Médecins du Monde Belgique

Après avoir clairement défini votre public cible et ses besoins, décrivez comment vous allez l'atteindre grâce au projet.

En Hainaut, on observe 2 fois plus d’enfants mis au monde par des filles de moins de 20 ans, en comparaison aux chiffres nationaux. A Colfontaine, entre 2010 et 2014, 18 accouchements de filles mineures ont été comptabilisés sur un total de 1332 naissances, ce qui fait un taux de natalité de 13,5 pour 1000 femmes adolescentes. Les grossesses précoces entrainent un risque accru de pauvreté, tant pour les mères adolescentes que pour leurs enfants; raison pour laquelle Médecins du Monde a développé un projet pour répondre aux besoins d’informations et d’orientation de ce public-cible.

L’Adobus est un camping-car aménagé qui se rend chaque semaine dans la cour de

récréation du Centre Scolaire Don Bosco de Quiévrain et du Lycée Provincial Hornu- Colfontaine. Ces 2 écoles comptent entre 250 et 400 élèves et sont géographiquement à plus de 30 minutes de bus d’un planning familial. Chacune d’elle organise un 1er degré commun, complémentaire et différencié ainsi qu'un 2ème et 3ème degré technique et professionnel.

Le bus attire par sa simple présence, agrémentée d’activités autour de la sexualité, des IST, et de tout autre sujet amené par les jeunes. Des entretiens individuels sont aussi possibles à l’intérieur du bus.

Quelle est votre vision de l'accès aux soins à bas seuil pour le groupe cible de votre projet ?

Médecins du Monde vise à ce que les obstacles à la santé soient supprimés et le droit universel à la santé acquis pour tous. Nos activités visent l’accès réel à la santé pour les populations vulnérables ou précaires dans l’immédiat, ainsi qu’une modification pérenne des politiques de santé publique afin que celles-ci répondent aux besoins spécifiques de ces groupes-cibles.

Les conditions de vie précaires accentuent les difficultés d’accès à la santé à chaque stade: surexposition à certains facteur de risques, impact sur l’apparition des problèmes de santé, accentuation des conséquences négatives (notamment sociales) de ces problèmes de santé, difficultés d’accès aux soins et de continuité des soins, difficultés voire impossibilité de mettre en œuvre les conditions (notamment matérielles) permettant de vivre en bonne santé.
Pour toucher un public adolescent, il a ensuite été décidé de se rendre dans un lieu qu’ils fréquentent: l’école. Le dispositif allie donc un choix géographique déterminé notamment par des facteurs socioéconomiques, à une approche par milieu (localisation exacte selon les lieux fréquentés par le public ciblé). Le dispositif mobile a aussi l’avantage de pouvoir s’adapter facilement en cas de modification du contexte. La présence hebdomadaire facilite l’accès des élèves à l’information de qualité.

Quelle est la méthodologie utilisée pour atteindre le groupe cible et dans quelle mesure est-elle préventive et/ou curative ?

Agir pour et avec ce public nécessite la prise en compte de réalités de vie complexes, de l’imbrication des différents facteurs entravant ou facilitant leur accès à la santé et à leurs droits sexuels et reproductifs.

Donner une réponse adéquate aux problématiques complexes vécues par les jeunes nécessite de ne pas démultiplier les lieux à fréquenter pour obtenir un accompagnement.

Le dispositif Adobus intègre différentes thématiques en un seul lieu. Les questions abordées touchent à l’EVRAS, à la santé (y compris préventive), aux droits sexuels et reproductifs, à la violence, à l’égalité de genre ou la santé mentale.
Ceci nous permet d’aller vers les jeunes chaque semaine au même moment et au même endroit. La fréquence donne l’opportunité de suivre les jeunes en fonction de la réalité du terrain et de réagir au besoin en fonction de leur actualité.

Les cabinets d’entretien individuels du bus permettent de remettre de l’intimité, un climat de confiance et de confidentialité au sein de la cour de l’école. Les jeunes sont soit reçus individuellement à leur demande, soit à la suite d’une discussion de groupe. Le projet développe un volet principalement préventif, mais des orientations en cas de grossesse avérées sont également possibles.

Décrivez comment l'approche de ciblage garantit que les nouveaux bénéficiaires potentiels peuvent profiter de soins de santé à bas seuil.

En 2021-2022, en moyenne 40 jeunes ont été touchés en groupe par permanence, et 2 entretiens individuels ont été menés. Les principaux sujets abordés lors de ces échanges concernent la grossesse, le désir d’enfant, l’interruption volontaire de grossesse, les problèmes psycho-sociaux, la contraception, la vie relationnelle, affective et sexuelle ainsi que la puberté. Les contacts de groupe permettent une accroche des jeunes plus aisée et ainsi permettent de toucher de nouveaux bénéficiaires: les adolescents amènent leurs amis avec eux, ce qui élargit progressivement le nombre de jeunes participant aux activités.

Par ailleurs, en leur donnant accès à des informations fiables et de qualité concernant leur santé sexuelle et reproductive, le projet permet d’agir sur les déterminants sociaux qui accroissent le risque de précarité lié à la parentalité précoce. Il permet dès lors d’éviter une reproduction des inégalités de façon intergénérationnelle en agissant de manière préventive, et en permettant aux jeunes de décider eux-mêmes de la manière et du moment auquel avoir des enfants.

Quels sont les résultats obtenus ou attendus et comment seront-ils mesurés (indicateurs quantitatifs et qualitatifs) ?

La collecte des données est effectuée de manière anonymisée via le système KOBO, qui permet de remplir des formulaires hors connexion et de les transformer sur un programme lors de la connexion internet suivante. Deux formulaires distincts sont à disposition: l’un pour les entretiens individuels, l’autre pour les rencontres de groupe. Ceci permet de connaitre: le nombre de rencontres avec un jeune ou un groupe de

jeunes. Il permet également de collecter les grandes catégories de problématiques abordées (exemple : le thème « sexualité » avec des sous-catégories permettant de cocher s’il s’agit d’une demande de contraception, de test de grossesse, de renseignement/prise de rendez-vous pour une IVG, de contraception d’urgence...). La récolte de donnée permet une meilleure connaissance des problématiques vécues par les jeunes et ainsi à l’équipe d’adapter ses animations et contenus en fonction des besoins. Le projet travaille la problématique des grossesses chez les adolescentes. Mesurer l’impact ne pourra dès lors se faire qu’après plusieurs années et via la comparaison entre écoles avec et sans Adobus. Des contacts ont été pris avec des organismes de recherche afin de tenter d’en mesurer l’impact à moyen terme.

Comment le projet élabore-t-il une stratégie à long terme et qu'est-ce qui garantit que l'approche est transférable à d'autres contextes et/ou à d'autres échelles ?

Le projet a débuté en 2019 à Colfontaine. Au vu de sa réussite, les partenaires ont souhaité étendre ses activités à une seconde commune afin de tester le côté duplicable du dispositif. Le planning familial « Léa Lor» de Saint-Ghislain conseille alors le Centre Scolaire Don Bosco, à Quiévrain; le profil des jeunes étant similaire à celui de Colfontaine. Le projet a démarré le 25/04/2022 à Quiévrain, à la même fréquence qu’à Colfontaine. Depuis, les équipes ont tiré le constat que le dispositif est bien duplicable dans des écoles ayant un profil de jeunes similaires, moyennant un temps d’environ 10 mois nécessaire pour que les jeunes y aient recours de façon spontanée. Médecins du Monde prône la mise en place de tels dispositifs par les pouvoirs publics dans les communes où les taux de grossesses précoces dépassent la moyenne nationale.

De quelle manière les différences entre les hommes et les femmes sont-elles prises en compte dans la méthodologie appliquée et les actions menées ?

Le projet Adobus intègre par essence la dimension de genre. Chaque jeune se présentant à l’Adobus est accueilli de façon égale et peut prendre le temps nécessaire pour se poser et parler. Ils ont accès à des préservatifs, mais aussi à des protections périodiques et à d’autres produits d’hygiène. Des tests de grossesse sont également distribués et les jeunes filles sont accompagnées si elles le souhaitent dans la lecture des résultats.