Après avoir clairement défini votre public cible et ses besoins, décrivez comment vous allez l'atteindre grâce au projet.
Personnes sans-abri vivant en rue et très vulnérables, très désinsérées au niveau social et médical. La vulnérabilité est évaluée selon neuf critères (genre, âge, score de désinsertion, santé mentale, santé physique, addictions, temps passé en rue, présence ou non d’un réseau actif, mobilité de la personne). Les personnes sont rencontrées en rue, sélectionnées pour leur vulnérabilité, et suivies intensivement jusqu’à une réinsertion avec stabilisation en logement et mise en place d’un réseau de soin et de soutien. Le suivi est proactif: même les personnes qui n’ont pas de demande sont susceptibles d’entrer en suivi; les personnes sont aussi activement recherchées en rue si elles se déplacent. Le suivi est holistique: comprend tous les aspects de la vie de la personne importants pour sa réinsertion et pour lesquels la personne a besoin d’aide: remise en ordre sociale, mise en place d’un suivi médical, remise en logement, création d’un réseau formel et informel, contacts avec la famille, .... Un accompagnement physique est fait partout où cela est nécessaire avec le but d’une autonomisation de la personne. Le suivi actif se poursuit sur plusieurs années de façon à prévenir les rechutes, et peut reprendre à la demande de la personne ou d’un tiers.
Quelle est votre vision de l'accès aux soins à bas seuil pour le groupe cible de votre projet ?
Les personnes sont vues dès le début par du personnel paramédical avec la supervision d’un médecin, de façon à évaluer les problèmes de santé et pouvoir parer au plus pressé. Dans une vision holistique de la santé, le travail s’axe sur l’hygiène de la personne, sa santé et son accès aux soins de santé, ses ressources personnelles (qualités, atouts, ...) et la réouverture des droits, y compris au revenu afin de pouvoir, le plus rapidement possible, proposer une solution durable de logement. Les problèmes de santé mentale sont abordés par une approche ouverte, non-jugeante et basée sur le soutien de la personne et la réponse à ses besoins. Le plus rapidement possible, des solutions plus spécifiques sont proposées si nécessaire. Les addictions sont abordées de façon pragmatique, dans un cadre de réduction des risques mais aussi de traitement et de prévention lorsque c’est possible. Il est très souvent fait appel à des réseaux spécialisés d’accompagnement et de suivi des addictions. Lorsque des soins ou aides à domicile sont nécessaires, il est fait appel aux services ad hoc, en lien avec le médecin traitant.
Quelle est la méthodologie utilisée pour atteindre le groupe cible et dans quelle mesure est-elle préventive et/ou curative ?
La méthodologie est basée sur une approche sélective: limitée à un groupe spécifique, choisi pour sa vulnérabilité; étendue dans le temps: la durée du suivi est déterminée par les résultats, et non de façon arbitraire; proactive: le principe est d’aller vers la personne, de travailler la demande si nécessaire, d’assurer l’accompagnement physique si nécessaire, de stimuler la personne à faire des démarches, éventuellement d’en assurer certaines, avec toujours le but de favoriser l’autonomie et le lien avec le système “normal”. L’approche est curative par les soins d'hygiène (traitement des parasites), les soins de plaie faits en rue, la référence et l’accompagnement vers les soins médicaux, l’accompagnement des problèmes liés à la consommation de produits, la remise en logement; préventive par les soins d’hygiène pour éviter l'aggravation des problèmes, le soutien psychologique, l’incitation à la réduction ou l’arrêt de la consommation dès que possible, le soutien et l'accompagnement dans des activités de dépistage ou de contrôle, le soutien dans la récupération d’une alimentation correcte (favorisée par le retour en logement), la constitution d’un réseau social formel et informel.
Décrivez comment l'approche de ciblage garantit que les nouveaux bénéficiaires potentiels peuvent profiter de soins de santé à bas seuil.
Les personnes étant choisies pour leur vulnérabilité et leur degré de désinsertion, et le fait de pouvoir travailler aussi avec des personnes ne formulant pas de demandes, permet de toucher des personnes très éloignées du système de soin en général, et ne bénéficiant pas ou peu de soins de santé au début du suivi. L’approche globale et la multidisciplinarité de l’équipe permet de faire face à toutes les problématiques rencontrées.
Quels sont les résultats obtenus ou attendus et comment seront-ils mesurés (indicateurs quantitatifs et qualitatifs) ?
Par an, entre 12 et 20 personnes sont sorties de la rue pour une solution durable de logement. Depuis la création de l'institution, plus de 200 personnes très vulnérables ont été sorties de la rue et accompagnées; autant de personnes pour qui autant de personnes pour qui la situation était soi-disant désespérée.
Quelques chiffres clés pour l'année 2022:
- 535 accompagnements ont été effectués par nos équipes
- 5 031 rencontres ont eu lieu avec nos patients suivis intensivement
- Un total de 237 personnes pré-suivies, suivies et post-suivies
- 1 165 soins, conseils, transferts (dont 582 soins ont été réalisés)
- 20 083 démarches ont été effectuées (appels donnés, réunions)
- 71,9% de nos patients souffrent de problèmes de santé physique chronique - 62,5 % de nos patients souffrent de problèmes de santé mentale
Indicateurs de qualité: le nombre de personnes pouvant passer dans la catégorie “personnes stabilisées”, ainsi que le nombre de décès par an et l’âge au moment des décès.
Comment le projet élabore-t-il une stratégie à long terme et qu'est-ce qui garantit que l'approche est transférable à d'autres contextes et/ou à d'autres échelles ?
Le projet s'inscrit dans une durée longue, avec des suivis sur plusieurs années, plus de dix ans pour certains patients. En se focalisant sur le groupe-cible a priori le plus difficile et le plus compliqué à réinsérer, l’idée est de motiver aussi d’autres équipes en montrant que c’est possible, dans une perspective de mettre fin au sans-abrisme. De ce point de vue-là, un travail particulier est fait dans la recherche et le partage avec d’autres associations de logements, ainsi que dans le plaidoyer pour faire avancer l’idée de mettre fin au sans-abrisme, et en montrer l’intérêt et la possibilité. Des formations sont organisées pour les personnes intéressées, et un manuel reprenant la méthodologie et l’expérience accumulée depuis plus de 15 ans a été édité. L’ouverture d’un projet à Liège depuis plusieurs années montre la transférabilité à d’autres contextes.
De quelle manière les différences entre les hommes et les femmes sont-elles prises en compte dans la méthodologie appliquée et les actions menées ?
Le genre est considéré comme un facteur de risque pris en compte pour la priorité d’entrée dans notre suivi; les femmes étant plus vulnérables. En effet, le fait d’être une femme est un des critères pris en compte dans l’évaluation de la vulnérabilité des personnes à suivre. L’équipe majoritairement féminine peut assurer une présence rassurante et complice si nécessaire. Il en est également tenu compte dans la remise en logement (sécurité, isolement,...). Des contacts et une collaboration avec des centres spécialisés dans la prise en charge de violences conjugales sont mis en place chaque fois que nécessaire.